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ELECTION DE MITTERRAND, DECLARATION DU GROUPE L’EMANCIPATION JUILLET 1981

Un mois après les élections présidentielles et législatives de mai-juin, les camarades réunis autour de L’Emancipation rédigent ce communiqué qui analyse l’ensemble de la politique mise en œuvre par le nouveau gouvernement et annonce quelles années noires prépare la gauche au pouvoir. Peu de militants s’exprimaient ainsi à l’époque. Pourtant, dès la rentrée de septembre, un tag anonyme fleurissait sur les murs : Roses promises, chomdu.

Il a fallu encore quelques années pour qu’il s’étale dans les manifestations.

1. La victoire remportée par la social-démocratie aux élections d’avril-juin 1981 traduit la volonté de la bourgeoisie de changer de personnel politique. Giscard d’Estaing, usé par sept années de pouvoir sans véritable assise politique, ne pouvait organiser le large consensus que la bourgeoisie souhaite obtenir pour conduire sa politique de chômage, d’austérité, de restructuration du système productif dans les conditions d’aggravation de la concurrence entre capitalistes.

Les attaques contre Giscard d’Estaing, menées par Chirac et les gaullistes, ont permis au parti socialiste de l’emporter. Cette victoire de la social-démocratie ne repose sur aucun mouvement populaire, ni même sur une simple poussée électorale puisque la gauche obtient moins de voix en 1981 qu’en 1978. La bourgeoisie a ainsi les mains libres, dans l’immédiat, pour exécuter ses plans.

2. L’objectif de la bourgeoisie est d’organiser le consensus autour de sa politique réactionnaire d’aggravation de l’exploitation et de l’oppression. Cet objectif, affiché par la social-démocratie, est aujourd’hui possible grâce à l’appui des révisionnistes [du PCF] et des syndicats. Les conditions de vie et de travail des masses populaires vont s’aggraver. Les libertés vont être restreintes davantage encore. Toute expression d’une voix révolutionnaire sera combattue impitoyablement. En réclamant que la « solidarité gouvernementale » joue jusque dans les entreprises, les sociaux-démocrates cherchent à étouffer toute contestation, fût-ce au simple plan syndical.

3. Les premières mesures adoptées par le gouvernement Mauroy favorisent le patronat sous couvert de satisfaire les « revendications des travailleurs ». Elles n’ont ainsi rien de commun avec les concessions que la bourgeoisie dut faire aux travailleurs au moment du Front populaire. La hausse très mesurée du SMIC cache une réduction des charges sociales, vieille revendication patronale.

La réduction du temps de travail (20 minutes par jour dans l’immédiat !) traduit une adaptation de la force de travail aux nouvelles conditions de la production : travail par équipes, travail partiel, travail de nuit, travail « aménagé » … La création d’emplois (hormis quelques postes de fonctionnaires) renforce le système des emplois précaires puisque, pour ces nouveaux emplois, les collectivités locales devront passer des contrats à durée déterminée. Ce système de précarisation de l’emploi est par ailleurs renforcé par l’élargissement des Pactes pour l’emploi mis en place par le gouvernement Barre.

4. Sur le plan international, la social-démocratie affiche une position pro-atlantiste plus marquée. En soutenant la politique agressive de l’impérialisme américain dans sa rivalité avec le social-impérialisme soviétique, elle favorise les menaces contre la paix en Europe et dans le monde. En cédant aux pressions américaines, elle accroît les dangers qui pèsent dans notre pays sur tout mouvement populaire que les Etats-Unis de toute façon ne peuvent tolérer. La social-démocratie développe le militarisme et renforce les corps expéditionnaires qui, en particulier en Afrique, combattent pour défendre les intérêts de l’impérialisme français ou de l’impérialisme américain.

Elle entend conserver les colonies françaises dans les DOM-TOM en resserrant par ailleurs les liens avec la métropole dans le cadre de la « régionalisation ». Elle réaffirme la politique traditionnelle d’immigration pratiquée par l’Etat français.

5. La bourgeoisie exerce une pression sans précédent sur le PCF pour qu’il poursuive son processus de dégénérescence et aille plus loin dans la voie de l’eurocommunisme. Pour la bourgeoisie, le PCF doit prendre ses distances à l’égard de l’URSS et rallier sans hésitation le camp atlantiste ; il doit renier toute référence à la doctrine marxiste-léniniste, y compris en rejetant les éléments révolutionnaires de son propre passé.

En imposant que la « solidarité gouvernementale » s’exerce jusque dans les entreprises, le parti socialiste poursuit un double but : empêcher que le PCF ne fasse obstacle à sa pénétration politique dans les entreprises, en particulier dans la CGT dont il va disputer le contrôle au parti révisionniste ; forcer le PCF à faire lui-même la police pour étouffer toute voix révolutionnaire.

6. Le parti révisionniste se trouve ainsi dans une position inextricable où il est contraint d’approuver une politique qui le marginalise et le paralyse. Le récent Comité central de juin a réaffirmé la ligne opportuniste des XXIIe et XXIIIe Congrès : rejet du marxisme-léninisme, soutien à la social-démocratie. L’autocritique ne porte que sur la forme de l’union et non sur sa justification, et sonne faux au moment où le parti révisionniste participe au gouvernement socialiste sans programme, sans contrat, sans garanties.

Cette attitude reflète l’extrême pourriture du révisionnisme moderne en même temps que les grandes difficultés où l’entraîne sa ligne opportuniste.

7. Mitterrand et le parti socialiste affirment ouvertement leur hostilité au marxisme-léninisme, à Lénine et à Staline. Leurs efforts pour détruire définitivement toute idéologie et tout mouvements révolutionnaires seront vains, car ce sont les conditions mêmes de l’impérialisme qui engendrent le mouvement révolutionnaire du prolétariat.

La social-démocratie sait que sa politique d’aggravation de l’exploitation des travailleurs suscitera des réactions et risquera d’engendrer un essor du mouvement ouvrier : elle cherche à prévenir cet essor, à retarder son déclenchement et à le canaliser sur la voie sans issue de la violence apolitique qui peut être facilement réprimée. En accrochant le parti révisionniste à sa politique, elle tente aussi de faire surgir plus ouvertement le courant pro-soviétique qui existe dans ce parti et obtenir ainsi que toute contestation de sa politique soit taxée de pro-soviétisme.

8. La bourgeoisie a pu mener à bien cette opération en raison de l’extrême faiblesse du mouvement ouvrier et de la quasi-inexistence du mouvement marxiste-léniniste. La situation est donc sérieuse pour les travailleurs et les révolutionnaires qui vont se trouver face à une offensive sans précédent du capital et de ses agents, d’un autre côté, la situation est favorable pour démasquer, faits à l’appui, les courants social-démocrate et révisionniste, qui — au pouvoir — pratiquent une politique totalement réactionnaire. Pour que cette propagande porte pleinement, il est nécessaire que les marxistes-léninistes présentent des solutions positives sur toutes les questions sociales, politiques, économiques, qu’ils élaborent un programme révolutionnaire qui offre une issue à la lutte des travailleurs et les conduise à la conquête du pouvoir.